S'abonner aux flux R.S.S. - Laure de la Raudière

Ma tribune dans "Nouvelobs.com" - Google et la presse : François Hollande, taxer Google ne résoudra pas le problème ! - 31 octobre 2012

Rien – ou presque – n’a filtré de la rencontre entre le président de la République, Monsieur François Hollande et le PDG de Google, Eric Schmidt. J’imagine que le PDG de la firme de Mountain View, dans sa tournée européenne, délivre le même discours à tous les chefs d’Etat : "vous êtes libres de faire ce que vous voulez ; moi aussi !", sous-entendant clairement que le déréférencement des articles de journaux ne pose pas de difficultés particulières au développement de Google.

 

Pour une fiscalité intelligente

 

L’Europe, avec sa clientèle plutôt technophile et au niveau de vie élevé, représente un terrain de chasse commercial extrêmement fructueux pour Google mais aussi Facebook, Amazon et les autres géants de l’économie mondiale du numérique. Ils ne s’en privent pas. C’est 1,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires que réalise Google en France ! Et c’est vrai, il est choquant et tout à fait anormal qu’il n’ait payé que 5 millions d’euros d’impôts français en 2011.

 

J’ai toujours exprimé mon attachement à ce que ces entreprises, géants mondiaux du numérique faisant chiffre d’affaires et marges chez nous puissent payer des impôts en France, comme toute autre entreprise… à condition que la fiscalité soit "intelligente" et applicable, sans effet négatif sur le développement de l’économie numérique en France. Souvenez-vous : feu la première taxe Google, imaginée en 2010 par le sénateur Marini, handicapait tous les acteurs français et laissait Google hors de son champ d’application.

 

Le débat du jour est plus spécialement focalisé sur les difficultés économiques des journaux français : à travers le moteur de recherche Google, le lecteur peut désormais consulter des articles de la presse française (quasiment dans leur intégralité), sans même être redirigé vers le site internet du journal mentionné. Il en résulte un détournement des recettes publicitaires et une captation du marché de la publicité par Google au détriment des éditeurs de presse.

 

Une taxe inapplicable

 

Confrontés au même problème, nos voisins réfléchissent chacun à une solution nationale. Ainsi, la Belgique, après que ses journaux nationaux aient été brutalement déréférencés par le moteur de recherche, a négocié un accord direct avec Google dont les termes ne sont pas rendus publics.

À l’inverse, le Brésil, lui, a choisi d’aller au bout du conflit : en représailles, 90 % des journaux brésiliens ont été supprimés de Google Actualités. Vu l’importance de ce grand pays émergeant, qui représente un potentiel commercial important, on peut s’interroger sur le fait de savoir qui de Google ou des Brésiliens fait une mauvaise affaire, d’autant que de plus en plus d’internautes ne s’informent plus via les moteurs de recherche, mais par les liens vers des articles de presse postés notamment sur Facebook et Twitter.

 

Quel serait le revenu d’une "rémunération" dont l’assiette irait en diminuant au fil de l’évolution des usages ? Est-ce réellement la seule vision du gouvernement par rapport aux difficultés de la presse en France ? Ne faudrait-il pas mieux les convaincre (et même financer) une démarche de kiosque internet où l’internaute pourrait retrouver tous ses grands quotidiens avec des articles gratuits, d’autres payants ?

Est-ce normal de demander à Google de payer pour un service qu’il rend aux éditeurs de presse, au risque qu’il refuse de continuer à fournir ce service ? Cette rémunération imaginée par les éditeurs de presse serait-elle applicable si elle était votée ? Je ne le pense pas.

 

Agir par le biais de l'Europe

 

Finalement, je ne peux m’empêcher de penser que le gouvernement prend le problème par un seul (petit) bout de la lorgnette… Les enjeux de négociation avec Google, Facebook, Amazon, Apple and co sont beaucoup plus importants : l’estimation de l’optimisation fiscale des géants américains de l’internet est de l’ordre de 500 millions d'euros par an. C’est gigantesque et cela permettrait de financer bien des politiques de soutien à la presse. C’est véritablement cela qui aurait du être à l’ordre du jour de la réunion entre François Hollande et Eric Schmidt !

 

Bien sûr me direz-vous, c’est l’objet de la mission "Colin et Collin", qui fait un travail formidable, pour (sans doute) arriver aux mêmes conclusions que le Conseil national du numérique (CNN) au printemps dernier… Que de temps perdu !

À mon sens, il est essentiel de mener trois actions successives : contentieux fiscal en utilisant le concept de cycle commercial complet, négociation avec nos principaux partenaires européens pour les convaincre d’agir à l’échelle communautaire, et prise d’initiatives en France quand les partenaires européens sont mûrs pour avancer sur ce sujet.

 

J’exhorte donc le chef de l’Etat à voir plus grand, à être ambitieux pour la France, à discuter non pas de manière prématurée avec Google, mais à préalablement élaborer une stratégie commune avec nos voisins européens. Nous pourrons ainsi faire bloc contre des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur aux produits nationaux bruts (PNB) de certains états européens.

 

Il faut que la France prenne le leadership sur ce sujet, mais a-ton le bon leader pour cela ?

Aucun commentaire

Laisser un commentaire*

Pseudo (requis)

Mail (requis) - Ne sera pas publié

Commentaire

Code sur l'image ci-contre

Cette étape permet d'éviter les messages automatisés.

   

*En soumettant un commentaire, vous reconnaissez avoir pris connaissance de notre politique de gestion des données personnelles et vous l’acceptez.


Partager



Politique de confidentialité   |   Plan du site   |  Gestion des cookies

Clikeo Agence Clikeo