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Dans la Tribune de ce matin : "La loi Lemaire sera inefficace et contre-productive" - 19 septembre 2015

"La loi Lemaire sera inefficace et contre-productive"

Par Sylvain Rolland  |   |  1019  mots
La députée (LR) Laure de La Raudière appelle le gouvernement à porter les principes d'éthique et de protection des données personnelles au niveau européen avec le partenaire allemand.
La députée (LR) Laure de La Raudière appelle le gouvernement à porter les principes d'éthique et de protection des données personnelles au niveau européen avec le partenaire allemand. (Crédits : D.R)
La députée Les Républicains estime que l’échelon national est inadapté et critique la passivité du couple franco-allemand sur les dossiers numériques.

Alors que la loi numérique d'Axelle Lemaire sera présentée lundi, l'opposition part au combat. La députée Laure de La Raudière (LR), qui fait partie des rares parlementaires spécialisés dans les enjeux du numérique, monte au créneau pour critiquer la méthode du gouvernement.

Interrogée par La Tribune, l'élue d'Eure-et-Loir, qui se tient dans une posture d'opposante, n'a rien à redire sur les grands principes posés par la loi Lemaire. Elle estime toutefois que le gouvernement donne un "coup d'épée dans l'eau" en tentant d'imposer des principes qui devraient être portés au niveau de l'Europe. Critiquant l'inaction du couple franco-allemand, elle fustige également un texte "trop technique". Entretien.

LA TRIBUNE. Après plus de deux ans de gestation, la loi numérique d'Axelle Lemaire arrive enfin. Une bonne nouvelle pour la spécialiste du numérique que vous êtes ?

LAURE DE LA RAUDIERE. La méthodologie du gouvernement est tout de même très problématique. Cette loi a été annoncée par Fleur Pellerin dès janvier 2013. Puis, rien du tout jusqu'à fin 2014. Puis le gouvernement a demandé au Conseil national du numérique de mener une grande consultation de huit mois, qui s'est achevée en juin dernier. Après la remise de leur rapport, la fameuse grande loi numérique qui devait être portée par la secrétaire d'Etat, Axelle Lemaire, a finalement été coupée en deux, puisque le volet économique sera dans la loi Macron II. Je le regrette, car une grande loi aurait été plus efficace. Cet imbroglio donne très peu de visibilité à l'action du gouvernement.

Que pensez-vous du choix du gouvernement d'ouvrir le texte de loi à la consultation publique pendant un mois ?

Recueillir l'avis des citoyens est une très bonne chose, j'y suis favorable. Mais dans ce cas, c'est davantage un coup de com', une mise en scène pour satisfaire l'égo des ministres. Le débat n'a-t-il pas déjà eu lieu au moment de la grande consultation nationale du Conseil national du numérique ?

Refaire une consultation est une perte de temps, d'autant plus que ce texte est très technique. Il traite d'open data, de neutralité du net, ce sont des sujets dont les Français ne parlent pas. Les Français attendent des mesures sur l'emploi, le déploiement du très haut débit, l'usage du numérique dans l'éducation et la formation. Ces sujets ne sont pas dans la loi Lemaire.

Le résultat de cette deuxième consultation est donc prévisible: ce sont les mêmes personnes, les spécialistes, qui vont donner leur avis. Cette redondance donne aussi l'impression que le Conseil national du numérique ne sert à rien puisque le gouvernement lance sa propre consultation.

La loi Lemaire n'est pas uniquement technique, elle pose aussi une série de grands principes que de nombreux experts réclament depuis longtemps. Sur l'open data, elle établit un service public de la donnée afin de favoriser leur réutilisation par les citoyens et les entreprises. Sur les données personnelles, elle renforce les pouvoirs de la CNIL, impose le principe de portabilité (contrôle de ses données par l'utilisateur) ainsi que le droit à la suppression des données pour les mineurs et après la mort. Elle établit aussi l'accès à tous à Internet avec un droit à la connexion minimale pour les personnes en difficultés. Ce ne sont pas des sujets de nature à intéresser le grand public ?

Tout ceci va dans le bon sens, mais légiférer en France sur ces sujets est inutile tant que le débat européen n'a pas abouti. Les entreprises du numérique sont internationales. Par conséquent, le niveau d'action pour poser ces grands principes et avoir des leviers de pression sur les Google, Facebook, Twitter et consorts doit être européen, sinon c'est un coup d'épée dans l'eau. Google rit encore des 500.000 euros d'amende qui lui ont été infligés par la CNIL !

Le gouvernement devrait plutôt travailler à la constitution d'un axe franco-allemand fort, capable d'imposer ces principes sur l'éthique et le respect de la vie privée à l'Union européenne. Pour cela, il faut d'abord s'harmoniser avec Allemagne, définir une vision et des objectifs communs. Je ne sens pas de volonté politique forte au sujet du marché unique numérique, c'est très préoccupant étant donné l'ampleur des enjeux en matière de souveraineté.

Les Etats ont tout de même des marges de manœuvre pour encadrer et développer l'économie numérique...

Est-ce que cette loi va vraiment protéger les Français? Je crains qu'elle soit inutile et même contre-productive, car elle pourrait gêner les négociations à Bruxelles. Ensuite, imposer des principes qui ne seront applicables qu'aux entreprises françaises revient à les handicaper par rapport aux sociétés étrangères. Cela ne protégera pas les utilisateurs car les principaux acteurs du numérique ne sont pas français.

Donc le gouvernement devrait ne rien faire en attendant que l'UE légifère ? Ne pointeriez-vous pas du doigt son inaction dans ce cas ?

Il y a des tas de choses à faire pour développer le numérique, à commencer par accélérer le déploiement de la fibre optique et se concentrer sur l'éducation et la formation. Apporter la culture du numérique et de l'entrepreneuriat au collège est primordial, mais cela ne figure pas dans le plan numérique pour l'éducation annoncé par François Hollande.

Je propose de transformer le cours de technologie en cours sur le numérique et l'entrepreneuriat. Il vaut mieux apprendre aux jeunes à maîtriser Internet, gérer leur identité numérique et développer leur propre site que de les éveiller à la technologie avec des tablettes. Bien sûr, faire les deux serait l'idéal, mais dans la mesure où il faut faire des choix budgétaires, les priorités me semblent mal comprises.

Propos recueillis par Sylvain Rolland

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