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Le Dimanche n'est (toujours) pas un jour comme les autres. - 22 novembre 2008

 

Comme j'ai eu l'occasion de le dire au cours du journal télévisé de France 3, Vendredi 21 Novembre à 19h10, et comme je l'avais clairement exprimé dans un précédent billet, je considère que la généralisation du travail le dimanche est une "fausse bonne idée" économique et un facteur d'appauvrissement du lien social entre les français.

 

C'est pourquoi j'ai co-signé les déclaration ci jointes parue dans le Figaro du 21 Novembre et le Monde du 28 Novembre 2008:

 


 

TOUCHE PAS A MON DIMANCHE !


Marc LE FUR, Vice-président de l’Assemblée nationale, Député des Côtes d’Armor
Laure de LA RAUDIERE, Député de l’Eure-et-Loir
Jean-Frédéric POISSON, Député des Yvelines - Philippe MEUNIER, Député du Rhône – - Jean-Paul ANCIAUX, Député de Saône et Loire - Thierry BENOIT, Député d’Ille et Vilaine –Jean-Claude BOUCHET, Député du Vaucluse - Françoise BRANGET, Députée du Doubs – Xavier BRETON, Député de l’Ain - Yves BUR, Député du Bas-Rhin – Jean-François CHOSSY, Député de la Loire – Dino CINIERI, Député de la Loire- Jean-Yves COUSIN, Député du Calvados – Jean-Louis CHRIST,Député du Haut-Rhin -  Marie-Christine DALLOZ, Députée du Jura –Lucien DEGAUCHY, Député de l’Oise – Jean DIONIS DU SEJOUR, Député du Lot-et-Garonne – André FLAJOLET, Député du Pas de Calais - Daniel GARRIGUE, Député de la Dordogne – Hervè GAYMARD, Député de la Savoie-  Philippe GOSSELIN, Député de la Manche– Michel GRALL, Député du Morbihan – Jean-Pierre GRAND, Député de l’Hérault - Arlette GROSSKOST, Députée du Haut-Rhin - Antoine HERTH, Député du Bas-Rhin - Michel HUNAULT, Député de Loire-Atlantique – Guenhael HUET Député de la Manche- Fabienne LABRETTE-MENAGER, Députée de la Sarthe – Marguerite LAMOUR, Députée du Finistère – Jacques LE GUEN, Député du Finistère - Céleste LETT, Député de la Moselle– Lionnel LUCA, Député des Alpes Maritimes - Jean-Philippe MAURER, Député du Bas-Rhin – Christian MENARD, Député du Finistère –Jean-Marie MORISSET, Député des Deux-Sèvres – Jean-Marc NESME, Député de Saône et Loire  -  Etienne PINTE, Député des Yvelines – Jacques REMILLER, Député de l’Isère – Bernard REYNES, Député des Bouches-du-Rhône  Michel SORDI, Député du Haut-Rhin - Alain SUGUENOT, Député de la Côte d’Or – Eric STRAUMANN, Député du Haut-Rhin – Michel TERROT, Député du Rhône- Jean UEBERSCHLAG, Député du Haut-Rhin – Christian VANNESTE, Député du Nord – Patrice VERCHERE, Député du Rhône  – Michel VOISIN, Député de l’Ain - Marie-Jo ZIMMERMANN, Députée de la Moselle  

L'extension de l'ouverture dominicale des commerces n'est évidemment pas consensuelle, et pose, à l'inverse, de graves questions.

Si, de fait, il ne peut s'agir d'interdire le travail dominical régulièrement pratiqué aujourd’hui, on doit, préalablement à toute volonté de libéraliser l'ouverture le dimanche poser a minima trois questions.


Quel intérêt économique ?


Il est dit que: « ouvrir les magasins le dimanche, c’est créer 30 000 emplois.

A cela, plusieurs études dont celle du Conseil Economique et Social, répondent que l’acte d’achat ne serait que transféré de la semaine au dimanche. Les sites qui ouvrent le dimanche perdent ainsi 30% de leur activité du samedi.

Les 30 000 emplois « créés » ne seraient que transférés de la semaine au weekend. 

D’autres études montrent qu’à consommation égale, un emploi du dimanche supprimera trois emplois de la semaine.

La menace portera également sur ceux qui travaillent déjà ce jour-là, notamment les multiples petits commerces de proximité dans nos centre-villes ou dans nos centre-bourgs en milieu rural.

La logique économique implique un lien entre augmentation de la consommation et celle du pouvoir d'achat.

Or, la hausse de celui-ci ne se décrète pas par l’ouverture des magasins le dimanche.

A l’instar des heures de temps libre dégagées par les 35 heures, l’ouverture des magasins le dimanche risquerait plutôt de créer des frustrations et du surendettement.


Quel impact sur notre société ?


«  Ouvrir les magasins le dimanche, c’est donner une liberté supplémentaire aux individus, un jour de consommation en plus par semaine ! ».

Et voilà comment on passe du dimanche chômé, acquis social obtenu de haute lutte au 19ème siècle, au dimanche chômé, menace pour la liberté individuelle des consommateurs.

« Si nos concitoyens ont envie d’acheter le dimanche, qu’ils achètent ! Ouvrez tous les jours, le marché reconnaîtra les siens ».

L’argument  est difficilement recevable : les consommateurs y sont plus souvent favorables que ceux qui pourraient être appelés à travailler ce jour-là !

Or, ouvrir les magasins le dimanche ne touchera pas que les commerçants.Il faudra trouver des modes de garde pour les enfants. Qu’en sera-t-il des services bancaires indispensables à l’activité commerciale ? Faudra-t-il livrer les magasins le dimanche ?

Le travail le dimanche ne se fera que sur volontariat nous dit-on. Comment peut-on y croire ? Chacun sent très bien que l’ouverture des commerces le dimanche est est un « pied dans la porte » en vue d'une ouverture générale de l’activité professionnelle.

Qu’en sera-t-il alors de toutes les activités dominicales, non seulement des cultes, mais également les activités sportives, associatives, familiales… ?

N’est-il pas préférable de limiter la consommation pour conserver ces moments de fraternité qui donnent à la vie son sens ? Le travail le dimanche, c’est une menace pour la vie familiale, amicale et associative. Pourquoi mettre en danger ce moment essentiel ?


Quel sens donner à une telle revendication ?

 

C’est en effet là qu’est la vraie question. L’homme contemporain est-il uniquement un « individu consommateur » ou est-il encore l’animal social que définissait Aristote ?

S’il n’est que consommateur, ouvrons les magasins le dimanche sans limite. Si l’homme se construit par les relations qu’il tisse avec ses semblables, posons-nous la question de maintenir un jour dans la semaine en vue de faciliter cette construction.
« Les Français qui le veulent pourront ne pas consommer le dimanche. Il n’y a aucune obligation mais une nouvelle offre proposée» affirment enfin les partisans de l’ouverture. Peut-être.

 

Sans tomber dans l'excès d'une réglementation trop lourde, il est ici nécessaire de fixer des limites au travail dominical. La préservation de la gratuité des relations est à ce prix; et sans doute également la préservation de la vie familiale, qui n'a vraiment pas besoin d'être affaiblie !

 


 

Tribune du "Monde"

 

C’est sans doute l’ironie de l’histoire. La liberté d’entreprendre et l’économie de marché triomphent partout et dans le même temps le profit voulu pour lui-même, recherché par tous les moyens et déconnecté de l’économie réelle, montre, dans la gigantesque crise que nous traversons, toute la puissance de sa nocivité. Ceci a conduit les dirigeants du monde à limiter les effets de ce libéralisme débridé : c’est très bien.

Mais il ne faudrait pas que cette course essoufflée à la richesse ne soit freinée que sur le plan mondial, et qu’on laisse faire dans nos territoires ce qu’il faut empêcher à grande échelle : laisser au seul marché le soin de réguler l’activité.

De ce point de vue, la proposition de loi en débat sur le travail dominical accroît dangereusement quatre risques qu'il faut traiter au fond :

1/  la régulation des commerces par le seul marché

2/ la compétition entre les territoires

3/ la dichotomie entre le consommateur et le citoyen

4/ l'inégalité entre les salariés.

1/ On veut limiter l'ouverture dominicale à certaines zones géographiques, des « groupements urbains d'un million d'habitants ». Si la volonté de ne pas soumettre l'ensemble des territoires à cette autorisation est louable, il faut en craindre les effets.

Que deviendront, dans quelques mois, les commerces concurrents qui, situés du mauvais côté de la frontière, verront partir leurs clients du week-end vers « la zone » ? Et les commerces de proximité qui ont besoin d'un flux de passants pour vivre ? Ils seront à l'évidence appauvris, et viendront saisir les pouvoirs publics en leur demandant la possibilité d'ouvrir à leur tour tous les dimanches.

Alors, le marché aura eu raison des pseudo-frontières administratives, comme c'est d'ailleurs le cas partout. Et nous aurons abouti – tour de force – à un résultat dont visiblement personne (en tous les cas nous l'espérons) ne souhaite l'avènement : la généralisation sans restriction du travail dominical.


2/ Cette compétition entre les commerces affectera évidemment les territoires. Il est à craindre que le phénomène de « pompe aspirante » soit accentué, quand tout le monde en constate déjà la nuisance pour nos commerces de centre-ville.

La logique pure de marché prévalant ainsi entre les territoires produira les mêmes effets qu'à l'habitude : une concentration accrue du commerce dans les mains d'un petit nombre d'opérateurs, et donc en un petit nombre de lieux. C'est en effet une des conséquences fréquentes de la liberté du marché exagérément livrée à elle-même : elle conduit presque toujours à des situations d'oligopole dont le bien-fondé social et économique n'est démontré nulle part.

Remarquons, d'ailleurs, que les représentants des artisans et des petits commerçants sont majoritairement opposés à la perspective d'un élargissement du travail dominical : et on les comprend, car ils n'auraient pas les moyens de lutter contre cette concurrence déloyale.


3/ Les sondages produisent des résultats partagés à souhait, et leurs commentaires sont parfois lourdement déviés. D'abord, la majorité de l'opinion n'est pas orientée aussi clairement en faveur de l'ouverture dominicale qu'on veut bien le dire.

Et puis, ceux qui accueillent volontiers cette perspective lorsqu'ils sont dans la posture des consommateurs deviennent subitement très réservés lorsqu'ils peuvent être concernés comme travailleurs : pour ainsi dire, on veut bien avoir des services et des commerces à portée de la main, sauf s’il faut se lever de bonne heure le dimanche matin pour que cela fonctionne…

On se demande bien comment l’encouragement d’une telle schizophrénie pourrait nous procurer une croissance importante et durable : à moins de considérer que la richesse se réduit à sa seule expression quantitative et monétaire, ce qui est proprement indéfendable.


4/ Il est dit que les salariés concernés par ce projet seraient protégés par le volontariat, de sorte qu'ils ne pourraient encourir aucune sanction pour avoir refusé de travailler le dimanche. Il ne manquerait plus que ça ! Mais tout de même, qui pourra reprocher à un chef d'entreprise d'organiser la progression de carrière, la répartition de la formation professionnelle, la responsabilité des projets structurants pour son entreprise, à ceux qui auront fait l'effort de se mobiliser régulièrement les dimanches plutôt qu’aux autres ? Personne, évidemment : ce seraient là de « saines » décisions de gestion. De sorte que l'instauration du travail dominical sans limitation dans certains secteurs produira à coup sûr deux catégories de salariés : non pas par la sanction, mais à cause d'une sorte de discrimination exagérément positive liée à la bonne marche de l'activité.

Et puis, chacun connaît les limites du volontariat : sans faire d’injustes procès d’intention aux chefs d’entreprise, il est peu probable que les salariés sollicités le dimanche puissent avoir d’autre choix que celui d’accepter. Parfois même, les parents isolés seront mis dans l’inextricable situation de devoir travailler le dimanche pour préserver leur métier et son évolution, avec la conséquence que l’on imagine sur la garde de leurs enfants : devront-ils dépenser la majeure partie de leur rémunération bonifiée (lorsqu’ils l’auront obtenue) pour rémunérer leur assistante maternelle ?

Avouons qu’il est difficile d’entrevoir, dans les situations de ce genre, une avancée socio-économique décisive !

Certes, ces différents risques ne sont pas l'intention de l'auteur et des promoteurs de la proposition de loi en débat. Ils y sont cependant contenus en germe. Et il est tout de même très malvenu qu'un tel message soit, même implicitement, adressé aux français par les temps qui courent.

Alors même que la crise mondiale devrait nous inviter à prendre le temps de réfléchir collectivement à ses causes et à ses conséquences, que l’absence de repères personnels et sociétaux est de plus en plus cruelle, il n’est pas acceptable de faire courir aux français ce risque de généralisation du travail dominical, qu’il soit proche ou lointain. Et, dans cette proposition de loi, ce risque est plus proche qu’on veut bien l’admettre. Puisqu’elle ne se contente pas de régulariser strictement et exclusivement les situations déjà existantes, comment la voter dans ces conditions ?


Jean-Frédéric POISSON (Yvelines),  Philippe MEUNIER (Rhône), Xavier BRETON (Ain), Marie-Christine DALLOZ (Jura), Philippe GOSSELIN (Manche), Bernard REYNES (Bouches-du-Rhône), Patrice VERCHERE (Rhône), Marie-Jo ZIMMERMANN (Moselle), Députés U.M.P., et 50 députés des groupes U.M.P. et Nouveau Centre.


 

Ce qui m'a valu les honneurs de la presse

 

 

 

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